En République Démocratique du Congo, l’actualité est dominée par la détention préventive à la prison de Makala du Directeur de Cabinet du Chef de l’État, Félix Tshisekedi. Vital Kamerhe est accusé de la corruption et autres détournements des fonds alloués à l’exécution des travaux dans le cadre du ‘‘Programme d’urgence de 100 jours’’ du Chef de l’État.
Son incarcération provisoire a provoqué un tollé général dans la classe politique à Kinshasa jusqu’au niveau de la diaspora congolaise dans le monde.
Basé en France, Didier KEMBOLA est un observateur averti, penseur, analyste politique et artiste. Ce compatriote suit avec beaucoup d’attention cette affaire qui risque de compromettre l’avenir politique du président national de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC). Pis encore, le dossier suscite la discorde au sein de la plateforme politique au pouvoir Cap pour le Changement (CACH).
L’intellectuel Didi Kembwarss, pour les intimes, a exprimé son opinion lors d’une interview express avec le site Afrique Info Magazine (AIM)*, que WWW.VOXPOPULI.CD relaie
Découvrons-le :
*Afrique Info Magazine : Que pensez-vous de la détention provisoire de Vital Kamerhe, Directeur du cabinet du Chef de l’Etat ?*
*DIDIER KEMBOLA* : Je trouve cette détention étrange, car il n’y a pas eu risque de fuite de sa part. Kamerhe s’est présenté librement à la convocation du juge. Peut-être, la détention provisoire a été décidée pour l’empêcher de rencontrer les autres protagonistes du dossier? Mais, seuls les juges savent les vraies raisons.
Après tout, il est un justiciable comme tous les autres Congolais. Laissons la justice faire son travail sans pressions de tous bords et dans toute son indépendance. Ce qu’on rapporte, sur le montant détourné bien que non confirmé par la justice laisse chacun de nous perplexe. Si c’est vrai, il est injuste et condamnable. Car personne ne peut s’enrichir avec l’argent du pays au détriment de la population qui souffre et qui vit dans la précarité. Attendons le verdict final avant de s’emballer.
Toutefois, son incarcération pose quand même une autre question, vu le poste qu’il occupe. Est-ce que le président de la République était-il informé de la probabilité de son incarcération ? Pourquoi ne pas l’avoir démis de ses fonctions à la Présidence tout de suite et pourquoi ne le fait-il pas? Je rappelle que, tant que la justice n’a pas tranché, n’a pas prouvé la culpabilité de monsieur Vital Kamerhe lors d’un débat contradictoire, il est présumé innocent. Ça aussi, on doit le prendre en compte.
*AIM : Est-ce que ce dossier peut-il avoir des conséquences dans la gestion collective du pouvoir au niveau du CACH ?*
*DK* : Son incarcération va mettre à mal la plateforme CACH. Ils ont conquis le pouvoir ensemble. N’oubliez pas que Kamerhe s’est retiré de la course pour soutenir Félix Tshisekedi. Ils ont signé un Accord à Nairobi dont les deux maîtrisent les vraies substances.
Déjà, une crise grave se pointe à l’horizon entre les deux alliés au cas où Vital Kamerhe demeure en prison. Mais, la crise sera limitée dans la gestion collective et ne touchera pas les Institutions de la République. Car, le FCC (Camp Kabila) détient la majorité absolue au Parlement. Donc, si les ministres de l’UNC se décident de quitter le gouvernement, la coalition continuera entre le FCC et l’UDPS (Parti présidentiel).
*AIM : Que pourrait être, à votre avis, l’attitude du Chef de l’État ? Doit-il abandonner son allié de taille ?*
*DK :* Je ne vois pas Félix Tshisekedi tourner le dos à l’UNC. Cette situation doit beaucoup l’embarrasser mais je ne crois pas que le Président l’abandonnera. Mais que pouvait-il faire ? Le Chef de l’État doit laisser la justice agir librement. Il ne peut plus rien faire. C’est trop tard ! Maintenant, place à la justice de se prononcer. Si Kamerhe est innocenté ou blanchi, il retrouvera son honneur. Par contre, s’il est déclaré coupable qu’il soit condamné… Parce qu’il doit payer pour ses actes.
*AIM : Kamerhe n’est pas le seul à être suspecté dans le détournement des deniers publics en RDC. Croyez-vous que son arrestation constitue un signal fort pour la justice congolaise ?*
*DK :* Les autres accusés répondront aussi de ce qu’ils ont fait si, bien sûr, il y a culpabilité. La justice doit être un espoir pour les faibles et doit faire peur à tous ces prédateurs qui piochent dans le Trésor public. Par exemple : un député ou un ministre qui, après quelques mois d’investiture. s’achète des maisons, il est du devoir judiciaire (Ministère public) de s’y s’intéresser pour voir si son salaire peut lui permettre de s’offrir tous ces biens. Si ce n’est pas le cas, il y aura suspicion de détournement de l’argent de l’État ou de la corruption. Dans ce cas, une enquête doit être ouverte. Un homme politique doit pouvoir justifier, par son salaire tout ce qu’il possède. S’agissant d’un homme d’affaires, il doit le dire mais, là aussi, il peut y avoir conflits d’intérêt.
Les hommes politiques sont payés par l’argent des contribuables citoyens, ils doivent faire attention aux deniers publics.
En RDC, la justice a du travail à faire. Personnellement, je soutiens le président Félix Tshisekedi dans sa volonté de rendre la justice congolaise vraiment indépendante. Donc, l’État de droit ne doit pas être un simple slogan.
*AIM : Est-ce qu’on peut faire confiance à notre justice face à la pression politique et etho-tribale sur ce dossier* ?
*DK :* Je pense que les juges vont montrer leur indépendance face au pouvoir politique. Nous voulons tous une justice indépendante et libre, qui protège les faibles, les veuves, les orphelins. Un appareil de judiciaire qui n’est pas corrompu. Les Congolais ne veulent plus d’une justice qui ne condamne que les pauvres. Non à une justice qui dispense ceux qui ont l’argent. La justice doit avoir la confiance de la population car, une nation démocratique est jugée par rapport à la place qu’elle accorde à sa justice, à l’opposition politique et à la liberté d’expression qu’elle accorde aux médias (journalistes et autres)
*Afrique Info Magazine : Quel est l’avenir politique de Vital Kamerhe en cas d’inculpation ?*
*Didier KEMBOLA* : S’il est acquitté, il sortira très fort. Pour le CACH, ça sera une preuve de l’État de droit promis aux Congolais. Ça sera un bon point pour lui. Quant aux prochaines séances électorales, aucun parti en RDC ne pourra gagner les élections seul. Il faut aller chercher les voix en dehors de son camp : faire des alliances. La coalition actuelle devra rendre compte, si les résultats ne sont pas aux rendez-vous. Si la population continue à croupir dans la misère, je ne vois pas comment le président actuel ou un autre membre de sa coalition pourra demander la confiance de la population pour être élu encore à la tête du pays. Vital Kamerhe est un grand stratège, qui a réussi à placer stratégiquement deux présidents en RDC. En 2023, ça aurait dû être son tour. Mais. est-ce que la justice l’entendra-t-il ?
Propos recueillis par Jordache Diala
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